jeudi 10 avril 2008

BORA-BORA 1994














L’hôtellerie

À Bora-Bora, on n’a pas encore clôturé la mer. On la voit de partout en faisant le tour de l’île. Le charme d’une île, il vient bien de là ?

Au centre se dresse le mont “Te Manu”, (l’oiseau), mais faut-il l’appeler un mont, un pic ? C’est un bloc de basalte poussé vers le ciel par les forces internes, un roc d’une seule pièce, comme un énorme doigt dressé. Il est magnifique. Des oiseaux blancs, du bas des falaises jusqu’en haut, jouent au cerf-volant dans les courants d’air.

Bora-Bora, c’est pourtant un lagon, d’abord. Un lagon qui pourrait bien ne pas avoir son pareil, enserré par des îlots verts égrenés en collier tout long du récif. Le bleu du large vire au violet, puis au mauve vers l’horizon. Ligne grise du récif, et les vagues en se brisant la frangent de blanc. Taches vertes des “motus” puis, à l’intérieur du lagon, toutes les nuances de bleu et de vert, avec des taches mouvantes et versicolores, là où le corail affleure.

Souvent, un grand bateau blanc vient mouiller dans la passe. Taches rouges des bouées et des canots.






Quel imbécile a voulu tirer deux vieux caboteurs au sec, pour en faire des bistrots ? Y sont-ils encore ? Longtemps on les a laissés là, tas de rouille à moitié immergés, le nez en l’air !

Il n’y a pas eu ici de Pearl-Harbour. On rencontre d’énormes canons pourtant. Ils rappellent que les troupes américaines stationnaient là pendant la dernière guerre. Mais les batailles sont demeurées lointaines.

Bora-Bora est devenue maintenant la destination préférée des touristes américains et japonais, belligérants de naguère. Mais dans l’île il n’y a qu’une seule plage de sable blanc. C’est une merveille, il est vrai !

Bien entendu, c’est là qu’ont poussé les hôtels, semant jusque dans les eaux du lagon leurs bungalows sur pilotis : cloisons de bambous et toits de pandanus. Exotisme garanti ! Au centre du plancher, dans le milieu du salon, une vitre permet d’admirer les poissons qui passent. Un plongeur passe la nettoyer tous les matins. C’est cher. C’est très cher. Mais c’est bien ce qu’on a voulu, n’est-ce pas ?





Alors voilà: Sur cette unique plage blanche, les natifs avaient l’ancestrale habitude de venir batifoler : pique-niques du dimanche, avec nattes déroulées, pâté en boîte, glacières, coca-cola, bière “Hinano” et musique ... Autrefois, on faisait griller du poisson et du “uru”, le fruit de l’arbre à pain. On mordait dans les fruits et on se régalait avec du “poë”.

Il est maintenant devenu impossible de pique-niquer sur la plage : trop de bungalows, trop de touristes ! ... En veux-tu ? - En voilà ! Le natif a pris sa barque. Il est allé pique-niquer plus loin, sur les “motus”, sur les îlots, tous bordés de sable blanc. Mais on n’arrête pas le tourisme ! ... Passerelles lancées d’un bungalow à l’autre, wharfs tout en longueur, qui s’étirent jusqu’à quatre cents mètres du bord de la plage. Les touristes aussi, sont allés sur les îlots.

Et c’est le conflit. Celui qu’on aurait dû prévoir : Impossible de pique-niquer sur la plage, impossible de pique-niquer sur les “motus”...

-” Eh ! Sommes-nous encore chez nous ?”

D’une passerelle à l’autre, les vahinés transportent toute la semaine des plateaux de boissons fraîches. Mais le dimanche, il leur arrive de partager la colère de leurs époux :
-” Sommes-nous encore chez nous ?”

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