mercredi 16 avril 2008
COMMÉMORATIONS
En mille neuf cent quatre vingt cinq, si mes souvenirs sont bons, une pirogue double construite à l’ancienne, baptisée Hokulea, franchissait à la voile, venant de Tahiti, la passe de Raïatea, repartait vers les îles Cook, puis vers la Nouvelle-Zélande qu’elle atteignait en parfait état.
Il est bien regrettable qu’après son retour on l’ait laissée pourrir à côté du musée. Elle méritait mieux que cela, et l’exploit aussi.
Quelqu’un a dit que la Polynésie “entrait dans l’avenir à reculons.”Méchante langue !
Une seconde pirogue double est en construction sous un hangar, taillée dans le cèdre de la Californie. Ses bordés sont cousus, à la manière d’autrefois. Les capitaux engagés sont américains. On prie pour qu’on ne la nomme pas “Coca-Cola” ... Mais qu’aurions-nous à redire, nous qui baptisons nos bateaux “Paul Ricard” ou “Fujicolor” ?
Les Polynésiens ont raison d’honorer leurs ancêtres. Ils ont été les plus hardis navigateurs de l’histoire des hommes.
“Ils arrivaient aux îles avec leurs dieux, leur langage et leurs cochons ...”
Pourquoi leurs actuelles pirogues ne s’appelleraient-elles pas, elles-aussi, “Bagages Superior” ou “Fleury-Michon” ?
On dit que ces pirogues, qui pouvaient transporter des groupes entiers, allèrent jusqu’aux glaces de la Terre-de-Feu et, de l’autre côté, jusqu’à Madagascar ...
Mais cela ne me dit toujours pas si les Polynésiens ont peuplé l’Amérique du Sud ...
Pourquoi pas ?
Il y a des arguments en faveur de la thèse ...
MIGRATIONS ET LONGUES ERRANCES ...
Ils venaient du Pérou, avec les alisés dominants. Ou bien ils venaient des rives asiatiques ... Ils intriguaient, les Polynésiens ! D’autant que l’on savait que, pour leurs migrations, ils ne disposaient que de pirogues. Mais quelles pirogues !
Cook eut le bonheur de voir les dernières. L’une mesurait quarante quatre mètres ! Pirogue double portant cent quarante quatre rameurs et trente neuf guerriers !
Depuis Wallis, tous les Européens ont cherché à percer le secret de l’origine des Polynésiens. On en a écrit, des pages et des pages ! Nous savons maintenant que leur point de départ est à rechercher du côté de l’Insulinde. Les migrations ont ricoché, au fil du temps, d’une île à l’autre, longeant les côtes de la Nouvelle-Guinée, le nord du Vanuatu, occupant les îles Gilbert et Ellice, gagnant Raïatea, aux Îles-sous-le-Vent au deuxième siècle avant Jésus Christ. Elles ont ensuite peuplé les Marquises, puis, au septième siècle, sont reparties vers les ïles Hawaï et la Nouvelle-Zélande.
Sans compas ... Cela laisse pantois ! Les Maoris atteignaient l’île de Pâques au douzième siècle, à plus de dix mille kilomètres de leur lieu d’origine !
À la même époque, les Croisés se préparaient à traverser la Mediterranée pour aller délivrer le Saint-Sépulcre !
Thor Heyerdahl a voulu démontrer que les Polynésiens venaient de l’est ... Éric de Bishop prétendait prouver qu’ils venaient de l’ouest. Des pages innombrables, en plus de deux cents ans ont été noicies d”hypothèses, de supputations, d’affirmations contradictoires. Jusqu’aux fantasmes les plus extraordinaires, évoquant des migrations venues d’Égypte ( pas moins !) ou des continents engloutis ( et l’on reparle d’Atlantides ! ) On a même parlé de la douzième tribu d’Israël !
Les fantasmes aident à vivre. Il est vrai que, d’aventure, certains d’entre eux prennent corps, par merveille !
Parlant des Polynésiens et de leurs difficultés actuelles à prendre pied dans le modernisme, certains parlèrent de “peuple” en voie de dissolution, de “peuple” “avili”. Il faudrait regarder de plus près au concept de “peuple”, tant en ce qui touche aux recouvrements successifs qu’en ce qui concerne l’état actuel du peuple des îles.
-”Ces gens entrent dans l’avenir à reculons” a-t-on entendu dire.”
On voit renaître, il est vrai, telle celle du tatouage, des pratiques qui avaient disparu. Mais par-delà le cordon de bouteilles vides formant récif-barrière, il faut voir ici la recherche d’identité perdue.
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