mercredi 30 avril 2008

LE DIT DE CASSANDRE 1994














Ayant perdu, (et l’on commence à penser que c’est pour longtemps) ... Ayant perdu la manne que représentaient les “retombées” du Centre National d’Expérimentation Atomique, ce pays ne sait quoi imaginer pour étancher sa soif de devises.

C’est que l’on ne se résout pas aisément à redescendre la gamme, quand on a pris l’habitude des grosses voitures !

On se met en quête de nouveaux Paradis, qui ne serait plus seulement de fleurs, de fruits, de fougères et d’oiseaux.

En ce moment les édiles semblent rêver au épopées anciennes des Caraïbes ou de certaines cités d’Amérique du sud. On souhaiterait qu’ils n’oublient pas que les pluies de dollars de La Havane se sont résolues en pluies d’orages et en longs purgatoires. Il en fut de même aux pays de l’argent et de l’étain.

Il est des signes qui inquiètent, annonciateurs de ces sociétés à deux vitesses qui ne survivent que grâce à la trique et aux “Tontons Macoutes”.




A Tahiti, on ne fouille pas encore dans les poubelles. Elles débordent sur les trottoirs pourtant ... (Il paraît que ces “débordements sont dûs à des jeux de “haute finance !” )
Il n’y aurait là qu’anecdote, si ce n’était affaire de durée. mais d’autres signes sont plus inquiétants. On ne les discerne pas tous encore, mais on peut en énumérer quelques-uns.


En ce moment, nous apprend le journal
, un navire fend les flots, quelque part, ayant équipage de “bandits manchots” à destination de Tahiti.

-“Vous savez bien, les machines à sous !”

On discute aussi d’une exonération des droits de douane pour l’importation de chevaux de course : Des trotteurs qui devraient “renforcer l’attrait des Réunions Sportives”. Les guichets de l’hippodrome sont informatisés. On implantera le P.M.U. ( Vous pourrez, de Tahiti, jouer aux courses à Longchamps ! )

Rappelons que, déjà, tout Tahiti gratte, gratte ... Jusqu’à l’écorchure ! Et l’on invente encore de nouveaux jeux de “ cartes à gratter” ... Le dernier a pour nom le Joker. Le Loto se porte bien, merci !




Moorea construit un delphinarium, malgré les cris ( assez faibles ...) des bien-pensants.

-” Tahiti Millionnaire !”

Et la bière ? _ Ça coule, ça coule !

Le H ? - ça pousse ! ( Ici on l’appelle pakalolo ).

Les tripots ? - Ça tripote.

Et le “Roi” ? Il va, il va ... Il est allé accueillir trois yachts de luxe qui sont arrivés hier.

Les petits Tetuanui attendent les “retombées économiques”. On parle d’une “ère nouvelle”.

Le grand luxe, vous dis-je ! Vous pouvez, si le coeur vous en dit, louer un de ces yachts pour un million la journée ... Un million pacifique, s’entend, soit cinquante cinq millions de francs français ... C’est à dire, pour une seule journée, environ quinze mois de salaire d’un Tetuanui ... Certains de ces bateaux battent pavillon britannique. Mais cela ne veut pas dire grand’ chose. Tout ce qu’on a dit, c’est qu’ils appartiennent ... à des particuliers.





-” Mais pourquoi le “Roi” est-il allé les accueillir ? ... En quelque sorte, au nom du Peuple Tahitien ?”

-”Il fait des vœux pour qu’il y ait des miettes à ramasser ...”

-”Mauvaise langue !”

Y aurait-il, dans le monde, quelque chose qui effraie les propriétaires de bateaux de luxe... opérations “Mains Propres”, ou bien risques de guerres ou de révolutions ... quelques relents de cocaïne encore ?

A propos ... (Mais pourquoi disions-nous à propos ?) Monsieur Wang, ce pauvre Monsieur Wang, vous avez entendu dire ? Sa villa sur les hauteurs de Los Angelès ... Elle aurait été très abîmée par le dernier tremblement de terre ... Sa piscine, même, aurait été fendue !

L'ATOLL












C’était hier, ou bien avant ? ... Il y a une tache claire parmi les bois vieillis, au milieu du wharf. Le père a remplacé une planche pourrie. On la repeindra un de ces jours.

Les pieds dans l’eau verte, une fillette écaille des poissons. On mangera tôt.

L’idiot est accroupi sous l’auvent. Il se balance d’avant en arrière. Il garde les yeux mi-clos. On croirait qu’il chantonne. Un filet de salive s’étire à sa lèvre. Avant, arrière ... Les doigts remuent sans cesse, plissant et déplissant le coton du pareo.

À cette heure, le lagon est un plateau d’argent. On le regarde de côté pour ne pas se brûler les yeux. La nuit viendra d’un seul coup, comme a fait le matin. Le matin, les coqs chantent, le soir les chiens aboient.
Qund la lumière est forte, on cligne des yeux. Quand elle disparaît, on allume la lampe à pression. On fait de la fumée pour chasser les moustiques. C’est de la toile de sac humide qui se consumme dans des boîtes de conserve.
Le soir, on met la radio, ou bien on joue de la guitare.




La mer monte un peu. Elle descend un peu. Le sens du courant s’inverse. Les blocs de corail émergent un peu moins, un peu plus. La plage s’étrécit un peu, ou bien s’élargit un peu.

C’est au tout petit matin que les hommes vont chercher les noix de coco sur l’îlot voisin. La mère en râpe la pulpe. Elle est à califourchon sur un trépied. Son paréo est ramené entre ses cuisses. Le déjeuner sera prêt avant ... avant que le temps ne s’arrête, que le temps ne s’étale.

On ira s’asseoir sous les bouraos. La parole est rare. Appuyées en arrière, le coude déboîté, les femmes roulent des cigarettes minces. Les hommes dorment.

Dans la maison s’empilent des coussins de couleurs chaudes. Une antique machine à coudre luit de son métal noir et de ses insciptioons dorées. Coquillags sur la table. Coquilles encore, enfilées en colliers ou dressées en corolles, montées en suspensions.

L’idiot, toujours, remue le bout des doigts. En arrière ... En avant ... Il se balance.
Sous l’arbre, les ombres sont mauves et violettes.
un filet de nylon bleu pend à ne branche.



Pas un souffle de vent.

Ne pas porter le regard sur tout ce corail blanc, ou bien fermer les yeux très vite.

La goëlette est venue, la semaine dernière. Elle reviendra. Il y a du riz dans la réserve, du boeuf en boîte et de l’huile. Il n’y a plus de bière. Elle est bue le soir même du débarquement ... pour donner de la saveur au temps ... À même le goulot.
Avant l’aube, sous les étoiles, les bouteilles vides s’en vont en farandoles, doucement, doucement, portées par les courants.

L’idiot ? - Il a toujoours été là.

La mer est une bassine à friture. Elle rissole au soleil, grésille d’argent, comme de milliers d’anchois frétillant.
La pirogue sur le sable, gros insecte, demeure immobile. Le chien dort en dessous. Une année, un cyclone a emporté les tôles.

C’est toujours le père qui, le premier, aperçoit le bateau quand il arrive. , bien avant que le haut du mât ne pointe à l’horizon. On croirait qu’il le sent, qu’il le devine.





Quand on aura porté le père au cimetière, derrière le muret blanc, ce sera son fils ... Il y a toujours un fils, de quelque façon que ce soit. C’est lui qui devient le père. Il annonce l’arrivée des bateaux.

Deux oiseaux blancs volent en formation, reliés entre eux par quel insondable mystère ? Ensemble ils montent, ensemble ils descendent puis ils tournent d’un même mouvement.

Les poissons, invisibles, s’engagent sans doute dans les labyrinthes des pièges et des parcs, sans violences. Une raie saute dans la passe, puis le monde redevient absolument lisse.

Le dimanche, on va tous à l’église : Femmes aux chapeaux tressés, blancs ... Hommes en chemises sblanches et pantalons. Le prêtre ne sera pas là ... Peut-être par un prochain bateau ?

L’ombre tourne sous l’arbre. L’idiot est toujours sous l’auvent, accroupi, et , toujours, il se balance. Il chantonne vraiment, cette fois. Sa mélopée se mêle à la voix des vagues déferlant sur le récif.

_”Mais pourquoi l’appelez-vous “l’idiot”. Chez nous, ces gens-là sont respectés comme les anges !”

mardi 29 avril 2008

TRANSFIGURATION
















La daurade coryphène, que l’on appelle ici le mahé-mahé est un poisson tout en longueur, à tête camuse et ventre plat. Elle peut atteindre un mètre quatre vingts et peser trente kilos.

C’est un poisson de surface. Elle se prend parfois au leurre, mais les Tahitiens la prennent au harpon le plus souvent, après l’avoir épuisée dans une course de vitesse, car elle ne plonge pas.

Émaux cloisonnés ou champlevés ... Palpitation des couleurs comme aux ailes des papillons tropicaux.

Amené à l’air, déposé sur le pont du bateau, ce poisson s’irradie de couleurs mouvantes et versatiles : bleu, vert, argent et or. Ce chatoiement ne dure que quelques minutes, ( le temps, ne l’oublions pas ... d’une asphyxie ...)

Transfiguration pour une offrande et occasion d’un remords ...

BIEN MARLIN QUI RIRA LE DERNIER ...












Tangons déployés comme des antennes, cannes, moulinets, chromes et vernis.

Des échelles, des sièges haut-perchés sur derricks, semblables aux sièges des juges sur un terrain de tennis : C’est pour voir plus loin sur l’horizon !

Quarante trois bateaux rapides. Rugissements de quarante trois moteurs de plus de deux cent chevaux chacun. On emporte des bidons d’essence supplémentaires ...

À sept heures du matin, les chevaux battaient la mer ...

Ils l’on battue pendant cinq jours, quotidiennement ...

Ils n’ont rapporté en tout et pour tout qu’un seul poisson je crois bien.

-” Jackpot, un million et demi !”

C’était le Grand Concours International de Pêche au Gros. On recommencera l’an prochain ...

lundi 28 avril 2008

LE DELPHINARIUM













Certain homme d’affaires, Américain, je crois, avait acheté un hôtel à Moorea.

Quand on vous le dit que c’est là que va renaître La Havane ! Coca ... Coco ... Les petites femmes dans la soie, les tapis verts, les fruits, les fleurs, les alcools et les gros bateaux ...

La Havane, que dis-je ? Tout à la fois San Francisco, Las Vegas, les lumières de Rio, les lampions de Reno ...

Au commencement, on construisit le delphinarium.

-” C’est pour la science, on vous le jure ! Et puis on fera visiter par les enfants des écoles ... “

On pensait capturer les animaux en Nouvelle-Calédonie. Nouméa y mit son veto. On les prit dans les Tuamotu. On resta très discret sur les conditions de capture et de transport.





Il y eut quelques protestations, quelques pétitions. Brigitte Bardo tempêta. On fit appel au Ministre ... Mais les lois françaises ne s’appliquent pas au Territoire en la matière.

Les cétacés étaient cinq ... En “semi-captivité” ...

Il y avait deux dauphins “tête de melon”, que l’on disait blessés. On les relâcha très vite.

La télévision fut complaisante : Elle montra le ballet des dauphins qui demeuraient ... Et les petits enfants des écoles qui battaient des mains.

Les enfants des écoles ? _ Un concours allait leur demander de choisir les noms de baptême (Attendrissant, n’est ce pas ? )

Puis ... Deux dauphins moururent. Il fallut bien annoncer la nouvelle, l’autre matin ... Ils étaient morts de chagrin.

On avait bien essayé de vous le dire, que les dauphins ne peuvent rester en prison !



Certain homme d'affaires américain ... Qui savait comment on fait des affaires ...

Le Maire et son Conseil Municipal se montrèrent solidaires,

-Tiens, pardi !


-"C'était un grand blond, avec des palmes et des bouteilles de plongée ... Je l'ai bien vu, vers deux heures du matin.

Tout juste si l'on n'a pas ajouté que le grand blond avait "une chaussure noire", mais c'est, bien sûr, qu'on n'y avait pas pensé !

Brigitte écrit au Président ... Qui l'envoie paître !

La télévision, toujours dévouée, montre le dernier survivant :

-"Voyez comme il saute ! Voyez comme il rit !"

Le "Grand Blond", on vous le dit, il devait avoir une seringue. Il aura empoisonné les dauphins ! On recommencera. Tous unis. Et l'on fera un casino tout plein de "bandits-manchots". Vous verrez, c'est pour la science, et l'on y conduira les enfants des écoles.
La télévision ajoutera des images de synthèse ... des dauphins comme on montre des ichtyosaures !

samedi 26 avril 2008

RAÏATEA - ÎLES-SOUS-LE-VENT.

















L’île, disais-je, est l’outrance du village. je le disais il y a dix ans, lorsque j’habitais à Raïatea. Je pensais alors aux miasmes délétères des jalousies, des envies, des commérages.

Il est bien vrai, et cela perdure. Mais, en mille neuf cent quatre vingt quatorze quelques enseignements sont à tirer, les éclairages étant sans doute plus crus pour le passant que je suis devenu.

Au premier abord l’île ne semble pas abîmée. Elle paraîtrait plus belle, même, plus verte, plus fleurie, face à un horizon sur lequel se détachent, superbes, les îles voisines : Huahiné, Tahaa, Bora-Bora. Évidemment, l’affligeant spectacle offert par l’agglomération d’Uturoa ne peut que surprendre : antiques baraques que l’on tarde démolir, façades de béton écaillé, toitures rouillées, vitrines surchargées de bric à brac, bâtiments publics jouant les cathédrales. L’hôpital est tout neuf ... Il est vieux pourtant.








Les rues, les routes sont plutôt devenues meilleures. Il n’y a guère d’embarras de circulation ... Heureux habitants !

Le lagon qui enchâsse tout à la fois Raïatea et Tahaa a toujours des couleurs somptueuses. Le coup d’oeil, à lui seul, mérite le voyage ! Lequel voyage est très cher d’ailleurs !

Il y a un lycée d’enseignement général. On y fabrique des bacs G qui prédisposent en principe à devenir secrétaire ou dactylo. Mais les jeunes qui en sont titulaires ne voudront devenir ni secrétaires ni dactylos pour la plupart d’entre eux. Ils sont à peu près assurés de devenir institutrices et instituteurs.

Splendeur des structures “adaptées”, ils deviendront fonctionnaires d’état. Une institutrice fait vivre, ici, une tripotée de gosses à baladeurs et à V.T.T.. Son époux, lui, a souvent pour occupation principale de boire de la bière. On engraisse à force de sucres et de féculents. Personne à l’entour ne serait capable de me dire si l’individu que j’ai rencontré dans l’aéroport, qui écartait les bras et les jambes, bonne mine par ailleurs, allait pouvoir s’asseoir dans l’avion. Combien lui fallait-il de sièges ?






De part et d’autres d’Uturoa, tout le bord de mer est colonisé par les enseignants des lycées et collèges. Les maisons sont louées par des commerçants chinois ou par des Tahitiens aisés. Les locataires se succèdent tous les trois ans ou tous les six ans, selon la longueur des contrats des enseignants et selon la manière dont l’épouse du fonctionnaire en détachement aura su occuper son ennui.

Merveilleux pays ! C’est un Territoire français , mais il y a des Français qui le sont d’une autre manière que les autres. Pour bénéficier des gros salaires, des indemnités et des primes, tout le monde est Français. Tout le monde se voit offrir tous les trois ans un voyage en métropole pour un congé “bonifié”, et cela qu’il s’agisse d’un expatrié ou d’un “natif”. Beaucoup, du reste, préfèrent ne pas en bénéficier : Les avantages de l’’indexation sont supérieurs au coût du voyage ! Mais lorsqu’il s’agit de vie sociale, il y a les citoyens d’ici et les citoyens d’ailleurs. Il n’y a pas un élu d’origine métropolitaine dans les assemblées locales. C’est sans doute ce que recouvre la notion “d’autonomie”. Du reste, les européens se satisfont très bien de ce statut : Il permet de railler sans frais !






Il est vrai que la règle n’en fait que des passants. Ils ne demeurent que le temps nécessaire à l’achat d’un appartement en métropole, au moment du retour. Pour l’heure, ils filent sur le lagon en canots avec des moteurs hors-bord et vont à la pèche à l’espadon. Pour les femmes, si elles ne supportent pas les sorties en mer, il y a la bronzette ou les papotages ... Souvent les deux !

Quelques européens, en se mariant ici ont gagné certains privilèges. Ils en ont conscience et se taisent. Ce ne sont pas les plus flagorneurs.
Quant aux Tahitiens, ils en ont tellement vu passer, des Européens !

On évoquait autrefois les miasmes et les fièvres tropicales. On en retrouve encore les effets exécrables : il n’est question ici que de rivalités, de corruption, de rancœurs.

À côté du Lycée d’enseignement général il y un Lycée d’Enseignement professionnel, deux collèges, des établissements d’enseignement privé, des écoles primaires et maternelles. Cela fait beaucoup de fonctionnaires qui s’ignorent et se toisent. C’est là où naissent les histoires, sur fond d’ennui et d’envie. S’y ajoutent les politiques ...





On n’en finirait pas d’évoquer les promotions soudaines et les carrières brisées. Pour l’heure Uturoa bruit de rumeurs de poursuites devant le Tribunal Administratif et de requêtes d’avocats. Ce n’est pas la première fois.

Ici, par ailleurs, on se gave de télévision, on s’empiffre de sucreries, on boit de la bière ou du Coca-Cola, on mâchouille des “Twisties”. j’ai vu des enfants partir à l’école avec d’énormes sandwichs ... garnis avec des nouilles et du “Ketchup” !

Pourtant, Raïatea est splendide, incomparable.
Il faut se méfier des “pensions” approximatives tenues par des Européens : Leurs propriétaires ne rêvent que de faire percer les montagnes, tracer des routes, bâtir, installer des machines à sous por attirer les touristes ...

Les bulldozers creusent des terrasses à flanc de collines. Dans chaque terrasse la pluie creuse des sillons. Elle entraîne les boues rouges jusque dans le lagon.

Les adolescents fument du haschich que l’on nomme pakalolo, consomment parfois des champignons hallucinogènes.






Au sommet du mont Téméhani s’épanouit la fleur du tiaré apétahi, qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Mais pendant combien de temps fleurira-t-elle alors qu’on n’en prend aucun soin.

C’est sous la surface que Raïatea est abîmée, sous la ligne de flottaison. Sous la surface des êtres et des flots. Le lagon a toujours ses émeraudes et ses saphirs. Il est bordé de blanc. Un nombre de plus en plus important de voiliers le sillonnent. Mais sous la surface, les coraux sont morts, ternes, gris, bousculés, excavés. L’eau est embrumée d’une suspension qui est une sorte de poussière. Les émaux sont éteints. Les poissons si merveilleux sont devenus rares. Par quelle folie les hommes ont-ils détruit les fonds pour en tirer le calcaire dont ils se sont servi pour faire le revêtement des routes ?

Je le savais. C’était déjà ainsi il y a dix ans ... J’avais compté sur le pouvoir régénérateur de la mer et sur une sagesse revenue ... On ne peut pas tout régénérer, sans doute !

mercredi 23 avril 2008

MA CHÈRE YVETTE















... Elle roule des yeux, mon cher ! Quand elle raconte, c’est une femme qui pétille d’intelligence et d’humour. Elle raconte :

-” Je suis née à Huahiné, sous les cocotiers. J’ai pataugé dans le lagon comme tous les enfants. Tous les dimanches matin on me mettait une robe à volants et je partais vers le temple, mes chaussures à la main.

Et puis on me met en pension à Papeete. C’est une capitale. Je m’y fais.

Alors voilà : J’ai douze ans. Il paraît qu’il faut que je poursuive mes études en France. Comme je sors du collège protestant, on m’envoie à Strasbourg ... C’est où, Strasbourg ? Et puis j’ai un petit peu peur e ne rien comprendre là-bas ! Je sais très bien qu’en france, on ne parle ni le Tahitien, ni le véritable Français ...

Le véritable Français ... Tu penses ! Quand j’ai passé le Certificat d’Études à Papeete, le professeur qui lisait la dictée ... on ne comprenait rien à ce qu’il disait !





Quand j’arrivais à comprendre un mot je l’écrivais à la hâte et je laissais tout le reste en blanc, en espérant comprendre mieux à la relecture ...

Nous qui étions habitués à des intonations standard et à des prononciations bien nettes, détachant bien les syllabes ...

Les copains, dans la classe, me faisaient des signaux désespérés.

J’étais la plus dégourdie. C’est donc moi qui devais expliquer ce qui se passait ... Je lève le doigt. J’explique. Le professeur éclate de rire ... Nous avons repris la dictée avec quelqu’un qui parlait vraiment le Français, le notre !


Quand elle raconte, ses mains sont extraordinairement mobiles. Tout le visage est expressif. Les sourcils se lèvent ou bien se froncent, les narines palpitent,les yeux, les lèvres ... Une véritable conteuse professionnelle !







Alors, tu comprends ! J’avais douze ans. Me voilà dans l’avion. Bon, l’avion, ça va : On m’en a tant parlé que je ne suis as trop impressionnée. Je sais que quelqu’un va m’attendre à Paris.
mais c’est qu’il y a une escale à Los-Angelès ! Il faut descendre de l’avion, entrer dans l’aérogare, passer des contrôles ...


-” Tu regardes bien : C’est fléché. Tu suis les panneaux sur lesquels il y a marqué “Transit” ... Tu ne peux pas te tromper !

On monte dans un autobus, je fais comme les autres. J’ai une valise dans une main, un sac dans l’autre : -”Ne pas les quitter, tu risquerais de te les faire voler !”

Quelqu’un me donne un ticket ... “Transit” ... C’est bien, c’est par là ! Couloir, long, long couloir ... Sans fenêtres, éclairé par des lampes invisibles. Moquettes ... Je marche sur la pointe des pieds. Un coude à droite, à angle vif. Un autre coude. Long, long, le couloir !

Plus de panneaux ! Affolement.





Le monsieur qi est devant moi. Il parle Français. Il va donc à Paris. Je le suis. Il marche vite. J’accélère ... Pas une seconde je n’ai pensé qu’un Français pouvait descendre aux États-Unis ! Nouveau coude ... Plus de monsieur !


Je suis au pied d’une espèce d’escalier dont les marches montent toutes seules jusqu’à l’étage au-dessus. Mon monsieur est là, tout en haut. Comment faire pour monter sur ces marches qui défilent ? J’ai les deux mains occupées par les bagages. Je saute à pieds joints ... Me voilà partie !


Mais à l’arrivée ? ... A l’arrivée, je me prends les pieds dans mon sac et dans ma valise. Je culbute. J’arrive à plat-ventre. Mais j’arrive !


Et mon monsieur ?

Il est là, mon monsieur. Il passe une porte en verre, tout au bout du couloir. Je cours ...

J’arrive. Il n’y a plus de porte ! Il n’y a pas de poignée ! Il y a seulement une cloison vitrée, continue.





Pourtant, mon monsieur a passé, lui ... Je le vois à travers la vitre. Arrive une dame. La cloison de verre s’ouvre en deux, la dame passe, tout se referme.

Mon monsieur ! Je vais le perdre ! Je fonce dans la vitre. Je baisse la tête. Je protège mon visage avec mon bras, comme je peux.

Ça s’est ouvert ! Je ne sais pas comment ...


C’était en mille neuf cent cinquante sept. J’avais douze ans. J’allais à Strasbourg ...

LES TOURISTES JAPONAIS














Il n’est pas vrai de dire que les Japonais sont jaunes. Ou bien il faudrait penser qu’ils pâlissent en s’éloignant de leurs îles d’origne. On connaît des fleurs qui s’affadissent ainsi.


Les Japonaises que je rencontre sont très pâles et tout de blanc vêtues, depuis les chaussures jusqu’au petit chapeau-cloche. ¨Pour ce qui est de leur visage, on songe céruse.


Elles pépient devant les vitrines, comme des Enfants-de Marie.


Leurs compagnons les suivent, harnachés de courroies, portant sacs et caméras.

lundi 21 avril 2008

LA STAR
















Elle est venue. On l’a vue. C’est une chanteuse, une grande chanteuse ! On l’a vue toute simplette, paréo et souliers plats. Puisqu’on vous le dit ! Elle a fait le tour de ses amis. Même, on l’a vue dans une épicerie.

Depuis quatre ans elle est propriétaire d’un îlot sous les cocotiers ... Que voulez-vous, il y a des enfants qui restent des enfants !

Diana Ross est venue fêter son cinquantième anniversaire dans son royaume, au milieu du lagon de Raïatea.

À Tetiaroa, il y a Marlon Brando. À Bora-Bora, il y a Paul-Émile Victor. Julio Iglesias à Huahiné. Jo Dassin était à Tahaa, Jacques Brel à Nuku-Hiva. Il y a ... Il y a bien des enfants qui ont rêvé d’une île. Certains même portèrent la couronne ... En papier doré !

Diana, me dit on est une grande chanteuse noire américaine. Pour la fête, elle est arrivée de je ne sais où, je ne sais comment. Elle avait ... beaucoup d’invités !




Quincy Jones, paraît-il ... Et beaucoup d’autres que je ne nommerai pas, n’étant guère habitué à fréquenter leurs salles de concerts.

Ils ont tous logé à Huahiné. Que voulez-vous, un îlot, c’est tout petit ! À Huahiné, il y a un hôtel tout à fait exceptionnel : C’est cher, très cher, mais c’est très chic : On a son lit dans une cahute de luxe, perchée dans les branches d’un arbre !

On vous le disait, on vous le disait : Il y a des enfants qui ne grandiront jamais !

Au matin, tout le monde embarque sur des yachts de luxe ( en location à un million par jour ... Un million, s’entend bien ... Pacifique !) Il y avait trois yachts ... À un million chacun !

On traverse le lagon qui enserre Raïatea et Tahaa. C’est superbe ! On ressort par la passe de Miri-Miri. On rejoint l’ïlot de Diana.

C’est tout simple, on vous le dit : Des Polynésiens aux torses nus font sonner des conques. Des enfants chantent et dansent. Des tambours battent le tamouré. On se pare de colliers de fleurs ... Très Nouvelle Cythère. Bougainville eut été réjoui !






On vous le dit ... On vous le dit : Trois siècles plus tôt, Diana eut été l’amie de Pomaré. Le repas fut digne de ceux des Arii qui composaient la cour de la Reine.

Quand on vous le dit, qu’il y a des enfants qui n’ont jamais grandi !


Au soir venu, tout était fini.

L’idiot m’a dit : “Mais ce n’était rien d’autre, à grands frais, qu’un pique-nique sous les cocotiers !“

UN ATOLL

















Un atoll ... Il faut en avoir vu un pour savoir ce que c’est ! Figurez-vous un mince anneau de corail blanc ( mais blanc ! ) entourant au ras des flots un lagon bordé de plages blanches.

Souvent, une brèche permet aux bateaux de pénétrer dans les calmes eaux intérieures, mais ce n’est pas toujours le cas. On se ferait difficilement une idée de la merveille des gammes de bleus, de violets, de verts qui s’étalent là.

Dans les Tuamotu, les élevages d’huîtres perlières occupent une bonne partie des lagons. Là se trouvent également d’abondantes réserves de poissons, essentielles à la vie des hommes.

Rien ne pousse, en effet, sur ce gravier de corail mort, en dehors des bouquets de cocotiers. Rien ne vit, à l’exception de quelques poules, quelques cochons, des chiens qui vagabondent et que l’on fait rôtir à l’occasion.








Or, en cette année particulièrement chaude, la température des eaux intérieures s’est élevée. L’inquiétude est grande. Les lagons changent de couleur. Les bleus virent au vert : Les algues microscopiques prolifèrent. Par touffes, les coraux blanchissent et meurent.

Les habitants d’Hikueru appellent au secours : les poissons de leur lagon meurent par milliers. Les grands poissons pélagiques, même, meurent aux alentours de la passe ... Bonites, thons, tazars ...

Personne n’a encore fait allusion aux explosions atomiques de Mururoa ... Mais sait-on jamais !

Une mission scientifique s’affaire. Elle a déjà prévenu qu’elle ne pourrait rien faire pour refroidir les eaux ...
On s’en serait douté !

dimanche 20 avril 2008

TE NATURA










Papeete, 1994.






Gardons nous des polémiques. Nous avons rarement connaissance des tenants et des aboutissants. Restons en aux faits !

Un matin, lorsque vous vous réveillez, la ville est empuantie. Elle le restera pendant des jours et des jours.

Les associations de protection de la nature ont dressé barrage sur le chemin d’accès à l’usine d’incinération des ordures ménagères, dans la vallée de Tipaerui. On veut obliger l’usine à fermer pour en faire cesser les fumées. L’usine est toute neuve : Elle a été inaugurée il n’y a pas deux ans.

Les ordures ménagères s’accumulent aux coins des rues.

Certain “chercheur” du très officiel Office de la Recherche Scientifique a trouvé la solution. Il la clame ... Qui, mauvaise langue, disait que les “chercheurs” étaient payés pour “chercher” mais en aucun cas n’étaient en devoir de “trouver” ?
Celui- ci nous propose d’immerger les détritus au fond de l’océan !





La pression des grands fonds, dit-il, empêcherait leur remontée !

Quand on vous le disait, qu’il y en a qui font tout de même des “trouvailles” !

Un autre matin, toujours à Papeete, vous vous réveillez dans un concert de tronçonneuses, pas moins: Les employés de la Mairie sont en grève. Ils se manifestent en coupant les arbres au long des boulevards. Les plus beaux sont à terre déjà. La circulation automobile est bloquée : C’était le but recherché !

Je ne connaîtrai pas exactement les objectifs de cette grève mais ... C’est gagné, paraît-il ! Les négociations ont repris.

Il faudra bien cent ans, pour faire repousser des arbres pareils.

_”Il faut comprendre ... dit le responsable des associations de protection de la nature. “

Le porte-parole des syndicats affirme, lui, qu’il s’agit d’un acte “réfléchi et responsable”.

Le Paradis ... C’est donc comme partout !





Ce ne sera pas la première fois que l’on évoquera le “blocage de la société” et le “gouvernement des médias”. Ce ne sera pas non plus la dernière fois. On n’y usera pas sa plume ! C’est pourtant une bien mauvaise comédie de boulevard !

Coïncidence ? Le jour même, au Petit Théâtre de l’O.T.A.C., on donnait une comédie intitulée “Ne Coupez Pas Mes Arbres !”

Les affiches auraient-elles donné des idées à quelqu’un ?

samedi 19 avril 2008

UNIVERSITÉ DU PACIFIQUE




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UNIVERSITÉ FRANCAISE DU PACIFIQUE


La République installe ses miroirs aux alouettes. Elle tend les ressorts et tire les ficelles. L’Université Française du Pacifique relèverait de ce genre d’épate. Elle coûte très cher en tout cas.

Elle s’efforce d’attirer les enseignants et les étudiants des pays voisins et elle les entretient fort bien. Il doit s’agir de calmer les clameurs d’opposition à nos essais nucléaires, ou bien de faire oublier les maladresses de nos agents spéciaux en Nouvelle-Zélande ?

Il faut bien essayer d’amadouer des voisins qui ne nous aiment guère.

Mais l’Université a un autre rôle : Elle permet par exemple d’offrir en ce mois d’avril, lequel estt fort pluvieux en Europe, des promenades exotiques aux amis. Me dira-t-on pourquoi il était indispensable de faire venir à Tahiti certain professeur ( émérite, n’en doutons pas ...) et pourquoi il était indispensable que ce professeur, de sexe féminin, fût accompagné de son mari ? ...( décidément je ne me résoudrai jamais à écrire “professeure”, j’en demande pardon ...)






Hautement indispensable, la tenue d’une conférence sur “le positionnement de l’adjectif qualificatif dans la phrase française” ! Les professeurs de l’Enseignement Supérieur ignoraient vraiment qu’il était “plus économique” de dire : “Un cheval grand et noir” qu’un “grand cheval noir” ?

Comment faut-il dire exactement, “Un individu grand, fort et bête” ? ou bien “un grand individu, fort et bête” ?

Monsieur Jourdain eût mérité son billet d’avion et peut-être bien encore un autre, pour son épouse ou sa servante !

vendredi 18 avril 2008

LE COLLÈGE-FLOTTANT













Certaines choses surprennent et laissent rêveur ...



Chers enfants, dont on ne sait plus par quel bout il faut les prendre, dont on ne s’aventurerait plus à tirer l’oreille et encore moins à botter les fesses ... Chers enfants qu’il faut cajoler, entourer, dont il “analyser” les incartades et les “erreurs” ( Qu’on ne saurait qualifier de “fautes” ! )
... Il est vrai que nous ne savons plus très bien nous-mêmes où est le nord et où sont les points d’équilibre ...

Un bateau est dans le port de Papeete aujourd’hui, un grand bateau bleu, coque métallique, trois mâts dont un gréé de voiles carrées, les autres de voiles auriques. Coque profonde. Cabines hautes.

Il bat pavillon des Bahamas. On sait ce que cela veut dire ! En haut du gréement bat un pavillon français de courtoisie, sur tribord bat un pavillon canadien.






Ce bateau est un collège-flottant. Il a embarqué je ne sais combien d’adolescents canadiens qui “poursuivent leurs études en sillonnant les mers”.

Chers adolescents ! L’embarquement ne coûte jamais que deux millions-Pacifique, soit cent mille francs français (d’avant le passage à l’euro) !

Ayons une pensée pour le Père Jaouen qui embarquait de jeunes “pré-délinquants” pour leur permettre de faire le point ... Son bateau pourrit dans quelque bassin, faute d’argent.

Ceux-là sont plus heureux ... Tant mieux ... Tant mieux !

Je ne sais qui ils sont. Je ne sais ce qu’ils sont. Tout à l’heure, assise au beaupré, une jeune fille semblait faire ses devoirs ou apprendre une leçon. Deux autres revenaient d’une promenade à terre. Elles avaient des anneaux dans le nez ...

Mais que voulez-vous donc insinuer ? ... Surtout ne le dites pas ! On vous accuserait de “ racisme anti-jeunes”, pas moins ! Et tant pis si l’expression vaut son pesant de barbarisme !

Pourquoi juger d’ailleurs ? ... Ne suffit-il pas de songer ?

LE COLLÈGE-FLOTTANT











Certaines choses surprennent et laissent rêveur ...



Chers enfants, dont on ne sait plus par quel bout il faut les prendre, dont on ne s’aventurerait plus à tirer l’oreille et encore moins à botter les fesses ... Chers enfants qu’il faut cajoler, entourer, dont il “analyser” les incartades et les “erreurs” ( Qu’on ne saurait qualifier de “fautes” ! )
... Il est vrai que nous ne savons plus très bien nous-mêmes où est le nord et où sont les points d’équilibre ...

Un bateau est dans le port de Papeete aujourd’hui, un grand bateau bleu, coque métallique, trois mâts dont un gréé de voiles carrées, les autres de voiles auriques. Coque profonde. Cabines hautes.

Il bat pavillon des Bahamas. On sait ce que cela veut dire ! En haut du gréement bat un pavillon français de courtoisie, sur tribord bat un pavillon canadien.






Ce bateau est un collège-flottant. Il a embarqué je ne sais combien d’adolescents canadiens qui “poursuivent leurs études en sillonnant les mers”.

Chers adolescents ! L’embarquement ne coûte jamais que deux millions-Pacifique, soit cent mille francs français (d’avant le passage à l’euro) !

Ayons une pensée pour le Père Jaouen qui embarquait de jeunes “pré-délinquants” pour leur permettre de faire le point ... Son bateau pourrit dans quelque bassin, faute d’argent.

Ceux-là sont plus heureux ... Tant mieux ... Tant mieux !

Je ne sais qui ils sont. Je ne sais ce qu’ils sont. Tout à l’heure, assise au beaupré, une jeune fille semblait faire ses devoirs ou apprendre une leçon. Deux autres revenaient d’une promenade à terre. Elles avaient des anneaux dans le nez ...

Mais que voulez-vous donc insinuer ? ... Surtout ne le dites pas ! On vous accuserait de “ racisme anti-jeunes”, pas moins ! Et tant pis si l’expression vaut son pesant de barbarisme !

Pourquoi juger d’ailleurs ? ... Ne suffit-il pas de songer ?



jeudi 17 avril 2008

BOTANIQUE













Un grand arbre secoue par grappes les cosses sèches de ses gousses vides.

En d’autres îles, créoles celles-là, les mêmes cosses craquètent tout autant et de semblable manière. Là-bas, on nomme cet arbre “langue-belle-mère”.

Je ne sais le nom que porte ici cette sorte d’acacia.




Pourquoi cet arbre voisin a-t-il été affublé du nom de “fromager”? Je ne vois ici aucune évidence. Par contre, on le nomme aussi kapokier. Sans aucun doute on l’identifie mieux ainsi.

Il se dévêt de toutes ses feuilles lorsque les fruits sont murs. On croirait alors un arbre mort. La coque du fruit vient à se fendre en deux. Elle libère une ouate dont le vent emporte les flocons qui s’accrochent partout. C’est ainsi que se dispersent les graines.




Un poète, ( ils sont tous un peu magiciens), un poète a fait éclore aux branches des arbres, sur les pentes de la vallée de Tipaerui, des tulipes par milliers.

Nous avons bien besoin des poètes : C’est au fond de cette vallée que s’entassent les ordures de la ville.




En d’autres archipels, plus britanniques, l’arbre que nous appelons ici le “Flamboyant” se nomme “Christhmas-tree”. On devine pourquoi : C’est qu’il fleurit à Noël.

Je cherchais l’autre jour, près du temple d’Afareaitu, sur l’île de Moorea, le superbe parasol que les jours de la Nativité embrasaient naguère. Il couvrait une partie de la toiture et c’était merveille. Aurait-il été victime de quelque cyclone ?











Sur une plage de sable noir sont écloses des étoiles très étranges : Pompons de filaments violets à bouts dorés, comme illuminés, posés au centre des corolles blanches ...

Les feuilles de l’arbre d’où elles sont tombées sont larges et rondes. Le fruit a la forme d’une barette de curé.

Dand l’Océan Indien on l’appelle le “Bonnet Carré”.





L’ARBRE À PAIN



C’est une feuille palmipartite,(voir le Larousse ...) On penserait un peu à celle du platane, mais elle est d’un vert de bronze bleuté et cinq fois plus large. Finalement, elle est beaucoup plus belle.





Une banque locale en a fait son emblème : La feuille recouvre le fruit. Ce dernier est vert, gros comme un melon de belle taille, pâli de jaune lorsqu’il vient à maturité. L’arbre est fort, droit, élégant, équilibré. On n’a su lui trouver d’autre nom que celui d’ “arbre à pain”.

Le fruit est en effet farineux. On le cuit sous la braise ou bien à l’eau. On peut le manger ainsi et, ma foi, je le trouve très bon. On peut aussi le piler et le laisser fermenter dans une fosse. La pâte ainsi obtenue se conserve longtemps. Les anciens en faisaient des réserves. On trouve de ces fosses jusque sur les îlots coralliens des Tuamotu : Autant de garde-manger pour piroguiers errants !

Un fruit compact, gros comme un melon, cela peut faire très mal quand cela tombe de haut ! Mais, sans aucun doute,comme la noix de coco, il ne tombe jamais que sur la tête des imbéciles.
Vous voilà sauvé !

mercredi 16 avril 2008

COMMÉMORATIONS


En mille neuf cent quatre vingt cinq, si mes souvenirs sont bons, une pirogue double construite à l’ancienne, baptisée Hokulea, franchissait à la voile, venant de Tahiti, la passe de Raïatea, repartait vers les îles Cook, puis vers la Nouvelle-Zélande qu’elle atteignait en parfait état.

Il est bien regrettable qu’après son retour on l’ait laissée pourrir à côté du musée. Elle méritait mieux que cela, et l’exploit aussi.

Quelqu’un a dit que la Polynésie “entrait dans l’avenir à reculons.”Méchante langue !

Une seconde pirogue double est en construction sous un hangar, taillée dans le cèdre de la Californie. Ses bordés sont cousus, à la manière d’autrefois. Les capitaux engagés sont américains. On prie pour qu’on ne la nomme pas “Coca-Cola” ... Mais qu’aurions-nous à redire, nous qui baptisons nos bateaux “Paul Ricard” ou “Fujicolor” ?

Les Polynésiens ont raison d’honorer leurs ancêtres. Ils ont été les plus hardis navigateurs de l’histoire des hommes.





“Ils arrivaient aux îles avec leurs dieux, leur langage et leurs cochons ...”

Pourquoi leurs actuelles pirogues ne s’appelleraient-elles pas, elles-aussi, “Bagages Superior” ou “Fleury-Michon” ?



On dit que ces pirogues, qui pouvaient transporter des groupes entiers, allèrent jusqu’aux glaces de la Terre-de-Feu et, de l’autre côté, jusqu’à Madagascar ...

Mais cela ne me dit toujours pas si les Polynésiens ont peuplé l’Amérique du Sud ...

Pourquoi pas ?
Il y a des arguments en faveur de la thèse ...













MIGRATIONS ET LONGUES ERRANCES ...


Ils venaient du Pérou, avec les alisés dominants. Ou bien ils venaient des rives asiatiques ... Ils intriguaient, les Polynésiens ! D’autant que l’on savait que, pour leurs migrations, ils ne disposaient que de pirogues. Mais quelles pirogues !

Cook eut le bonheur de voir les dernières. L’une mesurait quarante quatre mètres ! Pirogue double portant cent quarante quatre rameurs et trente neuf guerriers !

Depuis Wallis, tous les Européens ont cherché à percer le secret de l’origine des Polynésiens. On en a écrit, des pages et des pages ! Nous savons maintenant que leur point de départ est à rechercher du côté de l’Insulinde. Les migrations ont ricoché, au fil du temps, d’une île à l’autre, longeant les côtes de la Nouvelle-Guinée, le nord du Vanuatu, occupant les îles Gilbert et Ellice, gagnant Raïatea, aux Îles-sous-le-Vent au deuxième siècle avant Jésus Christ. Elles ont ensuite peuplé les Marquises, puis, au septième siècle, sont reparties vers les ïles Hawaï et la Nouvelle-Zélande.




Sans compas ... Cela laisse pantois ! Les Maoris atteignaient l’île de Pâques au douzième siècle, à plus de dix mille kilomètres de leur lieu d’origine !

À la même époque, les Croisés se préparaient à traverser la Mediterranée pour aller délivrer le Saint-Sépulcre !


Thor Heyerdahl a voulu démontrer que les Polynésiens venaient de l’est ... Éric de Bishop prétendait prouver qu’ils venaient de l’ouest. Des pages innombrables, en plus de deux cents ans ont été noicies d”hypothèses, de supputations, d’affirmations contradictoires. Jusqu’aux fantasmes les plus extraordinaires, évoquant des migrations venues d’Égypte ( pas moins !) ou des continents engloutis ( et l’on reparle d’Atlantides ! ) On a même parlé de la douzième tribu d’Israël !


Les fantasmes aident à vivre. Il est vrai que, d’aventure, certains d’entre eux prennent corps, par merveille !










Parlant des Polynésiens et de leurs difficultés actuelles à prendre pied dans le modernisme, certains parlèrent de “peuple” en voie de dissolution, de “peuple” “avili”. Il faudrait regarder de plus près au concept de “peuple”, tant en ce qui touche aux recouvrements successifs qu’en ce qui concerne l’état actuel du peuple des îles.

-”Ces gens entrent dans l’avenir à reculons” a-t-on entendu dire.”

On voit renaître, il est vrai, telle celle du tatouage, des pratiques qui avaient disparu. Mais par-delà le cordon de bouteilles vides formant récif-barrière, il faut voir ici la recherche d’identité perdue.

mardi 15 avril 2008

INSCRIPTIONS ET BELLES LETTRES


J’ai connu Bob au Vanuatu, qui s’appelait alors l’archipel des Nouvelles-Hébrides et était un condominium franco-britannique. Bob avait un bon naturel.

Si vous saviez comme il riait lorsqu’il nous racontait son “histoire de fou” ! La meilleure affaire de sa vie !

Il avait acheté, pour une livre australienne, de moitié avec un compère français ... un îlot du Pacifique portant nom Mattew ( prononcer Matiou, comme il se doit ). C’était la meilleure affaire de sa vie parce que, depuis cet achat, le volcan ayant explosé, l’îlot avait doublé sa superficie.

Au pied de ce volcan, il y a une plaque sur le rocher, plaque de cuivre gravée. De temps en temps la France détourne par là quelque navire pour confirmer son titre de propriété. Sans doute, alors, sonne le clairon.









L’îlot Clipperton, à l’autre bour du même océan, est un mince anneau de corail inhabité. Pendant longtemps, on ne sait pourquoi, il fut disputé entre la France et le Mexique. En mille neuf cent trente cinq il fut attribué à la France par arbitrage ... du Roi d’Italie !

Sur Clipperton aussi, on a scellé une plaque. Là aussi, sans aucun doute le clairon sonne de temps à autre, effrayant les sternes et les fous.

L’histoire nous apprend ce que valent ces plaques gravées, et combien en arrache le temps. Plus le titre est contestable, plus grande est la volonté de l’attester.

A Tahiti, on trouve partout des plaques gravées ... histoire de faire ressortir les liens que l’on a voulu nouer, et que le temps dénouera un jour probablement, là comme ailleurs. Rien que sur le quai de Papeete, on trouve un monument à la gloire du Général De Gaulle ... On rencontre ensuite une plaque reproduisant le texte de la citation à l’ordre de la nation des “Poilus Tahitiens”. Il y en a une autre évoquant la citation des combattants tahitiens de la seconde guerre mondiale.




J’allais oublier le buste de Monsieur de Bougainville, trônant entre deux canons ... Encore une autre plaque, scellée par la communauté chinoise pour rappeler l’arrivée à Tahiti de ses ancêtres ... Manière encore de rappeler ses droits. Le monument aux morts de la guerre de quatorze n’est pas bien loin, couvert de noms tahitiens.

Sur un bistrot, une plaque rappelle “qu’à l’étage au-dessus est mort Joë dassin, célèbre chanteur français” !

Sur la plage noire de la Pointe Vénus, il me souvient qu’on avait gravé sur de gros troncs d’arbres les noms des “Grands Navigateurs”. Je n’ai pas retrouvé ces troncs. Peut-être ai-je mal cherché ? ... Ou bien peut-être ont-ils été emportés par quelque cyclone . La plaque, sur le monument commémorant le passage du Capitaine Cook a disparu. Mais on en trouve toujours une qui rappelle l’arrivée des premiers missionnaires ...

Les plaques gravées se fendent ou disparaissent. Les grands hommes trébuchent et passent. Les drapeaux changent ou se multiplient. Les sonneries des clairons se taisent. C’est toujours le temps qui finit par avoir raison de tout. Le temps, le vent et l’Océan ...

lundi 14 avril 2008

DELTAPLANE








Un mousqueton ... Ce n'est rien, presque rien ! ... Rien qu'un crochet en acier, un petit crochet ...

Il a couru.

Ses ailes étaient déployées, bariolées de couleurs vives.

Il s'est élancé dans le bleu du ciel, face au bleu des flots.

On l'a acclamé. Il a pris son vol.

Il avait oublié d'accrocher le mousqueton qui devait retenir le harnais.

Il a tourbillonné.

Il a lâché.

Il gît, quatre cents mètres plus bas, le corps disloqué sur les goyaviers.

Il gît, l'homme-oiseau.

Ce n'était pourtant rien : un mousqueton. Rien qu'un petit crochet en acier !

dimanche 13 avril 2008

HÔTEL TAHARA TAHITI









LES LOUPS 1994 ?

-” Un, deux, trois ... Nous irons au bois ...”


Un parc, au Tahara ... Celui de l’hôtel Hyatt Regency. Superbe panorama sur la mer, les plages, la ville, tout en contrebas. Peu de promenades aussi belles ! Arbres majestueux, pelouses drues, haies fleuries.

Il faut payer pour entrer, c’est vrai, mais le gardien est débonnaire.

-”Prom’nons nous dans les bois ...”

Il vaut mieux fredonner cet air-là, parce que l’autre rengaine ... Les cerises ! ... Vous me direz que les loups !

Justement, les loups !










Gigantesque Tiki. Hall d’entrée majestueux. Marchandes de pacotilles. Publicités des “Tour-Operators” ... Le Hyatt Regency est un hôtel de grand luxe ; Longues coursives, bars en terrasses, boutiques, perles, bijoux de corail noir , toit de feuilles tressées, ascenseurs. Les chambres et les suites dévalent la falaise, jusqu’au ras des flots.

Dimanche, dix sept heures. Deux Américains à chapeaux de paille : Une vieille qui pousse son vieux dans un fauteuil roulant.

Deux ou trois couples de Japonais tout propres, bardés de camescopes.

Au bar, une vahiné, lente et silencieuse.

Les Américains et les japonais ont glissé sans bruit.

Fauteuils en rotin. Thé. Porcelaine bleue. Petits pots. Eau chaude. Sachets de mousseline, et leurs ficelles qui pendent sur le côté. Gâteaux au beurre et gâteaux au gingembre.

-” Loup y es-tu ? ... M’entends-tu ?”





Justement ... D’où sort-il, celui-là ? ... Gendarme, avec un képi ! Deux autres gendarmes, sans képis ... pistolets dans les étuis ... Parkas de toile noire, pantalons de toile noire. C’est comme à la télévision !
G.I.G.N. ! ... Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale ! Ou bien Gendarmes-Mobiles. Il ne manque que les cagoules, mais sans doute sont-elles prévues.

Un peloton de véhicules militaires est caché derrière les buissons du parc. Tout un groupe de loups arrivent par les ascenseurs. Silencieux, ils glissent, comme des ombres. C’est comme au cinéma !

Prise d’otages ? Attentat ? Rainbow-Warrior ? ... On imagine un commando : Sous-marin au ras du sable. Ils sont équipés de postes de radio portatifs.

Mais enfin ! Que se passe-t-il donc dans cet hôtel ? Combien sont-ils ? Logeraient-ils là ?

Des loups, vous dis-je !










-”Mais tu sais bien : Les gardiens de prison de Nuutania sont en grève. On aura fait venir ceux-là par avion, pour parer à toute éventualité.”

Il n’y aura pas de drame. Ils repartiront sans que personne ne parle d’eux. Ils ont glissé . Mais je n’ai pas rêvé, et c’est aussi cela Tahiti ! ... Sur les accords d’une guitare.

jeudi 10 avril 2008

BORA-BORA 1994














L’hôtellerie

À Bora-Bora, on n’a pas encore clôturé la mer. On la voit de partout en faisant le tour de l’île. Le charme d’une île, il vient bien de là ?

Au centre se dresse le mont “Te Manu”, (l’oiseau), mais faut-il l’appeler un mont, un pic ? C’est un bloc de basalte poussé vers le ciel par les forces internes, un roc d’une seule pièce, comme un énorme doigt dressé. Il est magnifique. Des oiseaux blancs, du bas des falaises jusqu’en haut, jouent au cerf-volant dans les courants d’air.

Bora-Bora, c’est pourtant un lagon, d’abord. Un lagon qui pourrait bien ne pas avoir son pareil, enserré par des îlots verts égrenés en collier tout long du récif. Le bleu du large vire au violet, puis au mauve vers l’horizon. Ligne grise du récif, et les vagues en se brisant la frangent de blanc. Taches vertes des “motus” puis, à l’intérieur du lagon, toutes les nuances de bleu et de vert, avec des taches mouvantes et versicolores, là où le corail affleure.

Souvent, un grand bateau blanc vient mouiller dans la passe. Taches rouges des bouées et des canots.






Quel imbécile a voulu tirer deux vieux caboteurs au sec, pour en faire des bistrots ? Y sont-ils encore ? Longtemps on les a laissés là, tas de rouille à moitié immergés, le nez en l’air !

Il n’y a pas eu ici de Pearl-Harbour. On rencontre d’énormes canons pourtant. Ils rappellent que les troupes américaines stationnaient là pendant la dernière guerre. Mais les batailles sont demeurées lointaines.

Bora-Bora est devenue maintenant la destination préférée des touristes américains et japonais, belligérants de naguère. Mais dans l’île il n’y a qu’une seule plage de sable blanc. C’est une merveille, il est vrai !

Bien entendu, c’est là qu’ont poussé les hôtels, semant jusque dans les eaux du lagon leurs bungalows sur pilotis : cloisons de bambous et toits de pandanus. Exotisme garanti ! Au centre du plancher, dans le milieu du salon, une vitre permet d’admirer les poissons qui passent. Un plongeur passe la nettoyer tous les matins. C’est cher. C’est très cher. Mais c’est bien ce qu’on a voulu, n’est-ce pas ?





Alors voilà: Sur cette unique plage blanche, les natifs avaient l’ancestrale habitude de venir batifoler : pique-niques du dimanche, avec nattes déroulées, pâté en boîte, glacières, coca-cola, bière “Hinano” et musique ... Autrefois, on faisait griller du poisson et du “uru”, le fruit de l’arbre à pain. On mordait dans les fruits et on se régalait avec du “poë”.

Il est maintenant devenu impossible de pique-niquer sur la plage : trop de bungalows, trop de touristes ! ... En veux-tu ? - En voilà ! Le natif a pris sa barque. Il est allé pique-niquer plus loin, sur les “motus”, sur les îlots, tous bordés de sable blanc. Mais on n’arrête pas le tourisme ! ... Passerelles lancées d’un bungalow à l’autre, wharfs tout en longueur, qui s’étirent jusqu’à quatre cents mètres du bord de la plage. Les touristes aussi, sont allés sur les îlots.

Et c’est le conflit. Celui qu’on aurait dû prévoir : Impossible de pique-niquer sur la plage, impossible de pique-niquer sur les “motus”...

-” Eh ! Sommes-nous encore chez nous ?”

D’une passerelle à l’autre, les vahinés transportent toute la semaine des plateaux de boissons fraîches. Mais le dimanche, il leur arrive de partager la colère de leurs époux :
-” Sommes-nous encore chez nous ?”