jeudi 5 juin 2008

A LA PÊCHE "AU GROS"











Des histoires de pêche, vous pensez si l’on en entend, en Polynésie ! Les Tahitiens naissent avec des harpons à la main ! Les Européens qui paient fort cher et ont de gros bateaux étincelant de chromes et de nickel ne font qu’essayer d’imiter les Tahitiens. Quand ils y parviennent, ils arborent un pavillon pour le faire savoir. Ils ont des pavillons différents selon qu’ils ont pêché un marlin, une daurade, un tazar ou un thon ... Et les pavillons claquent au vent quand le bateau rentre et passe devant les pontons de l’hôtel !

Les Tahitiens sont souvent plus discrets, mais ils savent les bons coins, ils connaissent les courants, les récifs et les vents. J’ai vu revenir des bateaux de contreplaqué avec des marlins bleus de cinq cents kilos, des thons jaunes de quatre vingt dix et des tazars de vingt cinq. Tous pêchent à la longue traîne avec un leurre en matière plastique qui ressemble souvent à une petite pieuvre. Il faut parfois plusieurs heures pour sortir un gros poisson de l’eau ... Quand il ne vous arrive pas ce qui m’est arrivé, c’est à dire que, tout d’un coup, la prise qui se défendait et qui me semblait si lourde au bout du fil de nylon, tout d’un coup, elle sortait de l’eau sans que je fasse aucun effort.




Je ne tardai pas à comprendre lorsque je vis remonter sur le pont du bateau ... La tête d’un thon, et
la tête seulement : Un requin avait happé le reste !

Les Tahitiens ont des bateaux spéciaux pour chasser les poissons-volants ou les daurades coryphènes. Ce sont des bateaux légers, équipés de moteurs hors-bord très puissants. On les appelle des “poti-marara”, les marara étant les poissons-volants. Ces bateaux se pilotent avec un manche à balai, comme des avions. Une sorte de bac est prévue à l’avant, le pilote s’y met. Il reste debout. Il est en sécurité pour ne pas tomber à la mer. Le “poti-marara” est léger, rapide et très manoeuvrable. Il s’agit, de nuit, de poursuivre le poisson qui fuit à la surface et de le harponner quand on le voit briller dansla lumière. C’est le pilote lui-même qui tient et qui lance le harpon, c’est pourquoi il a besoin de s’encastrer dans l’étroit logement prévu à cet effet. J’ai rarement assisté à ce genre de pêche mais, croyez-moi, j’ai vu les prises. Elles étaient nombreuses ! Il faut être un peu accrobate pour réussir ... Je ne m’y suis pas risqué.

J’ai dit que les Tahitiens devaient naître avec un harpon à la main ... Il faut bien cela pour se tenir, dans l’eau jusqu’à la ceinture, debout sur un récif battu par les vagues, en attendant qu’une carangue passe.



La détente est alors immédiate, et il est rare que le pêcheur manque son coup !

Un jour, je longeais le récif, du côté de la haute mer. C’est souvent là qu’on prend du poisson à la traîne. La mer était grosse. Les déferlantes roulaient sur le récif et se brisaient en éclaboussures étincelantes. Le son de leur déferlement était continu et puissant. C’était à Raïatea, devent la passe de Miri-Miri. J’aperçois derrière un rouleau, un homme qui faisait de grands signes des deux bras. Je m’approche prudemment, car le récif est proche. Les signaux continuaient, incompréhensibles. Tout à coup, là, juste devant nous ... Un bâton brisé qui émerge, tel un périscope de sous-marin et qui avance ... Intrigué, je saute à la mer, équipé de mon masque et de mon tuba. Alors je vois : Je vois une quantité de requins, des petits et des gros, qui font une ronde autour d’une carangue blessée, une grosse carangue, comme je n’en avais jamais vu au préalable ! Les requins préparaient l’hallali por se ruer sur leur proie qui saignait. Dans le dos de la carangue était planté un harpon, un harpon brisé, solidement enfoncé. C’était le manche du harpon brisé que nous avions vu avancer , vertical à la surace la mer. Le pêcheur nous le montrait.





Trop de requins ... Je les respecte infiniment ! Je sors de l’eau à la hâte et je grimpe dans mon bateau. Moteur en avant-lente ... J’approche. Je saisis le manche du harpon. Je sors la carangue, aidé par mon coéquipier ... Elle pesait cinquante cinq kilos !

Mais là où les Tahitiens sont époustouflants, c’est quand ils vous accompagnent à la pêche sous-marine. En apnée, ils sont capable de rester sous l’eau, allongés sur le fond et ... d’attendre là que le poisson qu’ils convoitent soit à leur portée. Leurs fusils sont rudimentaires mais, pendant qu’il vous a fallu, trois ou quatre fois, remonter à la surface pour respirer, ils ont visé quatre ou cinq poissons successivement, les ont tous atteints et remontent enfin à la surface avec tous ces poissons enfilés sur leur flêche comme sur une brochette ! Vous avez, vous, senti pendant ce temps-là, quatre ou cinq fois vos poumons prêts à exploser !

Il y aurait tant à raconter, à propos des pêcheurs tahitiens !

Mais écoutez plutôt ce pêcheur européen, client de l’hôtel voisin. Il a le dos rouge comme une crevette, le ventre écarlate mais rebondi :

“Ah ! si vous aviez été là hier ! j’en ai pêché un Grand Comme ça ! “

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