lundi 15 avril 2013
LES COURSES DE PIROGUES
Les pirogues sont alignées les unes à côté des autres sur la plage de sable noir, à côté du temple de Paofaï. Plus de cent pirogues sans aucun doute, retournées, au repos, bleues, jaunes, rouges. Il y a des pirogues individuelles, fines, si fines que l’on se demande comment elles peuvent porter un homme. Il y a les longues pirogues de haute mer, construites pour six rameurs.
Les piroguiers, on les reconnaît à l’épaisseur de leurs épaules : La pagaie courte, à large pale, n’économise pas l’effort !
Sur une mer bien formée, les pirogues enfournent à chaque lame. Malgré les bâches de protection, les rameurs sont bien obligés d’écoper. On a le vent debout. Il souffle à plus de vingt nœuds, avec des rafales à vingt cinq nœuds. Les creux ont plus de deux mètres. Peu à peu, la pirogue bleue des jeunes des Îles-sous-le-Vent se détache. Une rouge la suit, mais se retourne au passage d’une vague plus grosse que les autres. Pour la remettre à flot et reprendre la course il faut perdre un temps fou. La pirogue bleue accentue son avance.
Derrière, les autres concurrents adoptent des routes qui divergent : Un groupe suit le récif, l’autre gagne au large. Elles sont deux à avoir viré la bouée et à prendre le chemin du retour, navigant avec vent arrière alors que les autres peinent toujours. Porté par les vagues, on ne faiblit pas, à la cadence d’un coup de pagaie par seconde ... Soixante coups à la minute ! L’eau gicle de toutes parts.
Et puis, soudain, nouveau chavirage de la pirogue qui est à la seconde place ... Elle est redressée par ses piroguiers qui étaient tombés à la mer. Elle chavire à nouveau dix minutes plus tard. Son équipage abandonne. Il n’est pourtant pas au bout de ses émotions : En essayant de gagner l’îlot le plus proche, la pirogue se casse en deux : Tout le monde à la mer, une fois de plus ! L’équipage essaie de monter par l’arrière sur le bateau accompagnateur, celui-ci est déjà surchargé. Une lourde vague embarque, le bateau coule à son tour !
Les jeunes des Îles-sous-le-Vent poursuivent sans faiblir. Ils atteindront la ligne d’arrivée en cinq heures trente deux minutes, vingt deux secondes. Allez vous étonner que les Polynésiens aient de larges épaules ! Cette année, une pirogue polynésienne remportera le championnat du monde des pirogues de haute mer, à Honolulu ... Mais comment peut-on courir avec de telles pirogues, alors que le barreur est parfois si gros ?
INVESTISSEMENTS
À Bora-Bora, l’île la plus vantée de Polynésie, l’hôtellerie commence à souffrir, paraît-il.
Pourtant, l’île a des atouts indéniables :
Elle est fréquentée par les Américains, qui l’ont occupée pendant la dernière guerre puisqu’ils avaient là une base-arrière pour leurs opérations dans le Pacifique. Ils se souviennent de Bora-Bora comme d’un séjour idilique, faisant contraste avec les dures batailles des îles occupées par les Japonais ! Ce sont les Américains qui ont construit ici la première piste pour avions gros-porteurs. Les avions de ligne ont été tenus de se poser à Bora-Bora pendant de longues années. On montait ensuite dans un hydravion pour gagner Papeete ... L’île est à portée de leurs dollars ... Encore que ... en ce moment ! Mais les pavillons en bambou, couverts de feuilles de pandanus ont bien de l’attrait, d’autant qu’ils sont construits sur pilotis, dans un lagon qui est une merveille ! La montagne est monobloc : un piton basaltique reconnaissable entre tous et qui a pour nom Otemanu, ce qui signifie “l’oiseau”. Il fait assez chaud, pendant toute l’année, pour que les plages soient plus fréquentées que la montagne.
L’île est fleurie. On vous fleurira aussi. On y a tourné des films célèbres, dont “Hurrican”, qui en a fait l’éloge. On a conservé une partie du décor devenu illustre.
Les Japonais fréquentent beaucoup Bora-Bora ... Faut-il dire” fréquentaient” beaucoup ? Des lignes aériennes directes reliant la Polynésie à l’Empire du Soleil levant assurent le remplissage des hôtels. Les japonais viennent beaucoup à Bora-Bora en voyage de noces. Mais qu’en est-il, auourd’hui, en ce qui concerne le “remplissage” ?
Une loi, adoptée par le Parlement français a créé des conditions fiscales d’exception pour les investissements dans les Territoires et les Départements d’Outre-Mer. Cette loi a surtout favorisé l’extension des flotilles de bateaux, à voiles ou à moteur, ce qui a créé des emplois, bien sûr ... Encore que ces flotilles soient très loin d’être utilisées à plein temps !
Les investissements immobiliers ont été également défiscalisés, ce qui a permis d’accroître les possibilités d’accueil de l’hötellerie Polynésienne. Les investisseurs ont tout de suite vu les bonnes affaires et l’on en connaît auxquels ces investissements ont permis de ne payer aucun impôt sur le revenu. On commence à s’en préoccuper ...
Mais on pourrait parler, même, d’un afflux d’abus tel que bien des investissements ont été défiscalisés alors même que leur réalisation est demeurée tout ce qu’il y a de plus virtuelle.
Est-ce la raison pour laquelle, il y a quelques années, on pouvait voir à Bora-Bora, tout près du débarcadère, sur une pente de la colline, dominant les bleus, les violets et les verts du lagon, des traces de gigantesques travaux demeurés inachevés, abandonnés? De larges saignées dans la tere rouge, des terrasses comme autant de blessures non cicatrisées, des bungalows, dont certains presque terminés, les rails d‘un funiculaire pour éviter aux pensionnaires de l’hôtel d’avoir à gravir les pentes ... Je crois bien, même que les installations pour motoriser ce funiculaire avaient été construites ...
Tous ces travaux sont restés en plan. C’est là, pourtant, que devaient s’élever les installations d’un grand hôtel de luxe de la chaîne Hyatt. En a-t-on fait quelque chose depuis mon départ ?
Peut-être, après tout, cette construction virtuelle n’était-elle qu’une opération de défiscalisation ? Ou bien peut-être la chaîne hôtelière en question avait-elle senti qu’à force de construire des hôtel sur la même île, on pouvait arriver à saturation ?
... D’autant que le prix du séjour s’ajoutant à celui de la pension !
D’un autre côté, le touriste ayant fait un séjour d’une semaine à Bora-Bora, au-dessus du “Plus-Beau- Lagon-Du-Monde” s’est fait un superbe souvenir qui restera l’un des plus beaux de sa vie !
... À tous les points de vue !
CROQUIS DU QUOTIDIEN
Au long du quai un bateau danse à peine. C’est le soir, instant précaire ...
Longues cannes de bambous, en gerbes sur le roof.
Une bonite, pendue la tête en bas à la branche d’un arbre voisin. Une camionnette arrêtée : Jambes ballantes, les pêcheurs sont assis. Un ventre se distingue : rond, entièrement tatoué de signess maohi. Une caisse presque vide ... Des bouteilles en farandole, vides, qui partent à la dérive doucement ...
Le soleil chute derrière l’ombre de l’île voisine ...
Irisations encore, à la surface de la mer, dans les traces de gaz-oïl ...
Il reste juste assez de lumière pour pouvoir compter les goulots des bouteilles vides qui se dandinent ...
Inscription à :
Articles (Atom)